Par les temps qui
courent, ça fait du bien de lire des propos sensés (un texte paru dans les DNA
dernières nouvelles d'Alsace). Un texte de Mr Olivier Becht.
Député du Haut-Rhin"
Pour ma génération,
cette épidémie mondiale est un événement encore jamais connu, jamais vécu.
Pourtant, en discutant avec mes parents, il apparaît que le monde en a déjà
connu et pas seulement dans les siècles passés. Nul besoin de remonter à la
peste, au choléra ou encore à la grippe espagnole de 1918.D’autres épidémies,
ressemblant fortement au Coronavirus ont frappé le monde en 1957 et en 1969.
En 1957, le monde
connaît une pandémie nommée « grippe asiatique ». Mon père s’en souvient encore
car toute sa famille (père, mère, 5 enfants) va alors rester couchée presque
sans possibilité de se lever pendant plus de 15 jours. Cette « grippe asiatique
» fera 100 000 morts rien qu’en France et plus de 2 millions de morts dans le
monde.
En 1969, à nouveau
venue d’Asie, la « grippe de Hong Kong » frappe le monde. Elle va faire 31 000
morts en France et 1 million de morts dans le monde. J’ai retrouvé un article
du Journal Libération qui comparaît en 2005 le traitement de la canicule de
2003 avec celui de la « grippe de Hong Kong ».
Voici ce que l’extrait
de cet article disait de la situation en 1969 :
« On n'avait pas le
temps de sortir les morts. On les entassait dans une salle au fond du service
de réanimation. Et on les évacuait quand on pouvait, dans la journée, le soir.»
Aujourd'hui chef du service d'infectiologie du centre hospitalo-universitaire
de Nice, le professeur Dellamonica a gardé des images fulgurantes de cette
grippe dite «de Hongkong» qui a balayé la France au tournant de l'hiver
1969-1970. Âgé alors d'une vingtaine d'années, il travaillait comme externe
dans le service de réanimation du professeur Jean Motin, à l'hôpital
Edouard-Herriot de Lyon. «Les gens arrivaient en brancard, dans un état
catastrophique. Ils mouraient d'hémorragie pulmonaire, les lèvres cyanosées,
tout gris. Il y en avait de tous les âges, 20, 30, 40 ans et plus. Ça a duré
dix à quinze jours, et puis ça s'est calmé. Et étrangement, on a oublié.» - Fin
de l’extrait-
Ce n’était pas au
Douzième Siècle, c’était il y a 50 ans ! Étrangement on a oublié.
Encore plus étrange
furent les traitements politiques et médiatiques qui en furent faits. Alors que
l’hôpital fait face à une crise sanitaire majeure : afflux brutal de malades,
impossibilité de les soigner, mortalité par dizaine de milliers, nul ou presque
n’en parle. La presse parle à l’époque de la mission Apollo sur la Lune, de la
guerre du Vietnam, des suites de mai 1968... mais pas ou peu des dizaines de
milliers de personnes qui meurent dans des hôpitaux surchargés. Pire, le monde
continue de tourner, presque comme si de rien n’était.
Alors que nous
enseigne l’Histoire ?
D’abord et c’est une
bonne nouvelle, que nos sociétés en ont « connu d’autres » et qu’elles se
remettent de ces épidémies. Malgré la mortalité de masse provoquée par elles,
nous n’allons pas tous mourir et la vie gardera le dessus.
Ensuite, qu’en 50 ans,
les progrès techniques ont profondément modifié notre société. En 1969 encore
la mort de millions d’individus semblait une fatalité alors qu’aujourd’hui elle
nous paraît juste inacceptable. Nous attendons de la science qu’elle puisse
nous protéger de toutes ces maladies, les vaincre voire peut être un jour
vaincre la mort elle-même. Je parle bien sûr pour nos sociétés occidentales car
100 000 morts nous paraissent un choc majeur et inacceptable en Europe ou en
Amérique du Nord alors que personne ou presque ne semble hélas s’offusquer que
le Palu puisse tuer chaque année un demi million de personnes en Afrique...
L’Histoire nous
enseigne encore que nos exigences vis à vis de l’Etat ont beaucoup changé. Nous
sommes désormais, et c’est le prix de l’Etat providence, dans une société qui «
attend tout de l’Etat ». En 1969 personne n’attendait de Pompidou qu’il arrête
la « grippe de Hong Kong » ou encore organise le confinement de la population
pour sauver des vies. Aujourd’hui le moindre accident est nécessairement de la
responsabilité d’une autorité publique et si l’on n’arrive pas à un résultat
immédiat et satisfaisant, c’est forcément que les élites ont failli. Que l’on
soit bien clair, je ne cherche à excuser personne et il est vrai que le niveau
des impôts n’est pas le même qu’en 1969 donc le niveau d’exigence peut
légitimement être plus élevé. Je pose juste des constats.
Enfin, l’Histoire nous
enseigne que la sphère médiatique a beaucoup changé et influence terriblement
le traitement des événements. En 1969 les médias étaient encore pour beaucoup
sous le contrôle de l’Etat. Comme on ne pouvait pas arrêter la maladie on n’en
parlait quasiment pas. Et la vie continuait tant bien que mal. A l’ère des chaînes
d’info continue et des médias sociaux on ne parle plus que de la maladie, du
traitement sanitaire, politique, économique. Tout devient très vite sujet à
polémique et à scandale. Pire, on a l’impression que notre vision du monde se
limite désormais à ce qui défile sur nos écrans. Et comme il n’y a plus que la
maladie sur nos écrans on oublierait presque que la vie continue avec ce
qu’elle a de plus merveilleux (l’amour par exemple, mais aussi la création,
l’innovation...) mais aussi de pire (la haine, la violence, la criminalité, la
bêtise...). Bref la saturation de l’info autour de la maladie fait qu’on a
l’impression que le monde s’arrête et comme la conscience crée en partie la
réalité, il semble vraiment s’arrêter.
Alors vous me direz «
autres temps, autres traitements de la maladie et des événements ». Oui, vous
avez raison et quelque part heureusement. Ces enseignements de l’Histoire ne
nous obligent pas à traiter les choses comme dans le passé. Bien au contraire.
Mais ces voix venues
du passé nous disent néanmoins :
·
que les épidémies ont toujours existé et existeront probablement toujours
car elles ne sont pas issues de complots de savants fous manipulés par des
militaires dans des labos secrets, mais simplement des virus qui font partie de
la Nature, au même titre que nous.
·
que l’on pourra déployer toute la science et posséder les meilleurs
Gouvernements du Monde, il y aura toujours un événement naturel que nul n’avait
prévu et que l’on ne pourra pas totalement éviter.
·
qu’il faut toujours garder l’esprit positif car l’Humanité s’est toujours
relevé de ces épidémies. La France s’en relèvera aussi et cela d’autant plus
vite que nous saurons faire preuve de résilience et de fraternité dans
l’épreuve.
Essayons donc de ne
pas perdre nos nerfs et notre moral rivés sur le compteur des morts qui
monopolise nos écrans, restons unis plutôt qu’à accuser déjà les uns et les
autres, concentrons nous sur les vies que l’on peut sauver chacun dans son rôle
et à sa place, continuons de vivre, d’aimer, d’inventer car ni le monde ni la
vie ne se sont arrêtés et profitons peut être, pour ceux qui en ont, d’utiliser
le temps pour imaginer le monde meilleur dans lequel nous voudrions vivre à la
sortie de cette crise.
Regarder le passé,
c’est parfois prendre le recul nécessaire qui permet de mieux construire
l’avenir.
Courage et espoir !
Prenez soin de vous …..
Olivier BECHT député
du Haut-Rhin
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